28 juin 2024

Les journées institutionnelles du Pôle adultes 44 se sont déroulées les 6 et 11 juin pour la deuxième année consécutive regroupant les 120 professionnels des 9 ESMS. Cette édition s'est inscrite dans la continuité de la précédente, placée sous le signe de la rencontre et du partage pour favoriser le soutien aux parcours des personnes accompagnées. Deux journées par et pour les professionnels. Depuis, des actions partagées ont pu voir le jour comme la sortie "Beach Pôle", des animations et temps de convivialité en commun, des temps de travail trimestriels transversaux et bien d'autres projets encore… Lors de ces premières journées, plusieurs thématiques ont émergé pour dessiner la trame de la seconde édition :  la rencontre entre les personnes et les professionnels, l’autonomie et l’accompagnement, l’intimité ou encore le projet de vie.

Pour les traiter, la direction du Pôle adultes a décidé de donner la parole aux personnes accompagnées. Quatre capsules vidéo ont ainsi été diffusées pour ensuite questionner et débattre avec les salariés présents des pratiques professionnelles et remettre au centre le pouvoir d'Agir et de Dire de chacun. Noémie Nauleau, Conseillère autonomie de l'Agence Régionale de Santé des Pays de la Loire, était également présente sur les deux journées pour témoigner et soutenir les débats.

« Avoir des points de vue différents permet de se remettre en question, ce qui est pour ma part essentiel. » partage une professionnelle. Ces deux jours ont généré questionnements, débats et parfois même de véritables remises en question.»


« Au début ça peut être difficile, parce qu’on ne se connaît pas et on lui confie tout. » - Eliane


« À domicile, on manque de temps, le soin est prioritaire sur les autres accompagnements », raconte un professionnel. La rencontre pose aussi question sur le regard porté à la personne concernée. « Pour moi, ce qui est important, c’est de saisir le regard de la personne », affirme Gabriel, résident au Foyer des Magnolias. Pour Noémie Nauleau, l’accompagnement doit se faire grâce au regard capacitaire. Le regard capacitaire permet de laisser la personne faire les choses à sa manière, y compris si c’est différent de la manière dont on a l’habitude d’agir. Cette façon de considérer la personne est intéressante car elle implique le non-jugement, notion d'autant plus importante que le jugement est fréquemment ressenti par les personnes concernées. « Il faudrait bien définir les places de chacun, les rôles de chacun surtout ». « Et que chacun reste à sa place », complètent Karine et Éliane, élue au Conseil du département de Loire-Atlantique d’APF France Handicap et référente de l’antenne de Saint-Nazaire.

Si l’accompagnement est basé sur l’autodétermination de la personne, cela nécessite une connaissance des envies et des besoins de la personne accompagnée. Néanmoins, ce niveau de connaissance peut parfois être troublé par la (non-) considération en tant qu’individu des personnes en situation de handicap.


« Je suis interpellée par le fait que les personnes ne s'individualisent pas tout seul. » - N.Nauleau

 

L’individualisation et l’appropriation de sa vie en tant personne en situation de handicap a suscité des débats intéressants en matière d’autonomie. « La vie ce n'est pas manger - dormir - aller aux toilettes. On a besoin de vivre, de s'amuser, de partager, de liberté. Et pourtant c'est comme cela qu'on se construit.» , déclare Noémie Nauleau. Une individualisation et envie d’indépendance qui serait parfois complexes à faire émerger après constatation de la conseillère en Autonomie et des professionnels. La définition de l’autonomie est variable en fonction des personnes interrogées, que ce soit pour les personnes accompagnées que pour les professionnels interrogés dans la salle. Mais que met-on derrière la notion d’autonomie ? Pour certaines personnes interrogées, il ne s’agit qu’en fait d’être en capacité de faire seul les actes du quotidien, pour Noémie Nauleau « c’est piloter sa vie ». Ainsi, on observe une véritable différence de perception de l’autonomie telle que pourrait la définir une personne valide. Une situation confirmée par certains professionnels présents : les personnes accompagnées ne s’autorisent pas à avoir d’autres envies que les besoins de base.

Au fil du débat, des questionnements émergent : « Comment communiquer sur sa perception de l’autonomie ? Comment accompagner à l’identification des envies et besoins ? Jusqu’à quel point peut-on agir en tant que professionnel ? ».


 « L’autonomie, c’est piloter »


  • L’ensemble des échanges ont permis d’ouvrir plusieurs réflexions, notamment sur :
  • Le regard porté sur la personne concernée ;
  • La place de chacun dans la relation à l’autre ;
  • Laisser l’opportunité et/ou encourager la personne à faire les choses elle-même, à expérimenter ;
  • L’importance de la discussion avec l’expression de son point de vue, de ses désaccords, et surtout de faire part de ses limites.

L’intimité, ça dépend de l’histoire et du vécu de chacun.


Accompagner quelqu’un à domicile peut signifier entrer dans son intimité et vice-versa suivant la définition donnée à l’intimité.

« Mon intimité, c’est dès qu'on entre chez moi » exprime un professionnel. « L’intimité dépend de l’histoire et du vécu de chacun. » pour Clara. Plusieurs professionnels ont donné leur perception de la notion : l’intimité représente tout ce qui touche à la sensibilité. Si une fois encore la définition de l’intimité est propre à chacun, très vite ce sujet a permis d’établir la nécessité de fixer les limites de chacun. La sensibilité évoquée précédemment peut donc revêtir plusieurs aspects : entrer au domicile de la personne, effectuer ou recevoir des soins, le tutoiement…

« Mon service d’aide à domicile avait fait une réunion parce que je n'avais pas ouvert la porte à un professionnel », confie Noémie Nauleau, « On a le droit de ne pas ouvrir, il y a des jours où on a envie de voir personne et c’est ok.  Cela suppose du courage, de la réflexion pour juste dire que l’on n’a pas envie de se lever et implique aussi de sortir de son statut de victime », ajoute l’intervenante.

Ces propos ont suscité de vives réactions de la part des professionnels : « Et si je n'ai pas envie de travailler ? Comment fait-on ? ». Si pour certains professionnels, il s’agirait d’une obligation, pour certaines personnes accompagnées, il s’agirait d’un droit.

Clara, dans son témoignage exprime le fait que son intimité est respectée et basée sur la confiance : « Cela passe par une relation de confiance. C’est aussi pour cela que ce n’est pas simple au début. » Pour Karine, il s’agit de respect de ses désirs.

En somme, le débat sur l’intimité a mis l’accent sur les limites de chacun, le besoin d’établir une relation de confiance mais aussi, et surtout, sur la nécessité de prendre le temps de communiquer à ce sujet et de se respecter mutuellement dans cette relation d’aide et d’accompagnement.

 
« Le projet personnalité me permet de savoir où j’en suis, ce qui est fait et ce qu’il me reste à faire ».

 

Si le projet de vie n'a pas été traité comme les autres thématiques, il n'en était pas moins présent tout au long des deux journées. En effet, le principe de ce projet est de faire émerger les volontés et désirs traduits en objectifs fixés à 1 an. Ce travail résulte d'une rencontre entre les professionnels et la personne concernée. « Arrêtons de mettre des mots qui ne veulent rien dire sur des choses ordinaires. »  exprime Noémie.

Si la terminologie « projet de vie » a généré quelques réactions, il n’en est pas moins jugé utile pour Clara ou Karine, toutes deux accompagnées par le SAVS.

Une fois de plus, le sens qu’il prend dépend des personnes et des objectifs qu’ils se fixent, qu’ils soient ambitieux ou plus minimes. Il est également parfois source de difficultés pour certains professionnels si la personne ne verbalise pas ou n’a simplement aucune idée des objectifs qu’il souhaiterait se fixer.

« Comment accompagner quelqu'un qui n'aurait pas de "projet de vie » ? Comment accompagner la personne dans l’identification de ses désirs ? Comment fait-on naître les envies ?»

Si l’ensemble de ces questions n’ont pas trouvé réponses sur ces premières journées, elles ont néanmoins permis de répondre aux objectifs des deux jours : Favoriser les partages de regards pour ouvrir les réflexions et envisager les travaux à venir sur les questions de temporalité, d’environnement de travail et d’amélioration des accompagnements proposés.


« Prendre le temps, c'est en gagner. »


Ces échanges enrichissants et fructueux ont permis de mettre en lumière des sujets fondamentaux comme le respect, la rencontre, le regard, et la communication. En somme, plusieurs axes d’amélioration ont émergé : Prendre le temps d'échanger, de se comprendre, de s'écouter, agir en équipe, construire une relation de confiance :  autant de perspectives qui pourront améliorer pour chacun des acteurs, l'accompagnement des personnes en situation de handicap.

Un grand merci aux personnes accompagnées pour leur partage d'expériences, aux professionnels pour leur participation, à Noémie Nauleau pour son intervention ainsi qu'à la MDPH pour la mise à disposition de ses locaux.






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